En Hongrie, les Eglises font main basse sur les écoles publiques
Un grand nombre de municipalités lourdement endettées ont abandonné leur école aux Églises ces derniers mois.
C’est la grande braderie ! Ces derniers mois, près de 70 établissements scolaires publics ont été cédés à des institutions religieuses, la plupart à l’Église catholique, mais aussi à l’Église réformée et à l’église évangélique luthérienne. La seule école de la commune de Sáta, dans le nord-est du pays proche de la frontière slovaque, a même été abandonnée par la municipalité en faillite à une communauté bouddhiste locale. Elle n’avait plus les moyens de la chauffer en hiver. Dettes importantes, subventions de l'État en baisse, diminution du nombre d’élèves, beaucoup de municipalités ne sont plus en mesure d’entretenir leurs écoles et se débarrassent du fardeau financier qu’est devenue pour elles l’éducation primaire et secondaire.
Le phénomène n’est pas nouveau mais il s’est considérablement accéléré avec l’adoption en juin d’une loi assouplissant les conditions de transfert des établissements publics vers les institutions religieuses privées : les municipalités ne sont plus tenues de co-financer l’établissement pendant une période de cinq ans comme auparavant. Une aubaine pour les communes endettées. Conséquence : à la rentrée de septembre, le nombre d’écoles gérées par des institutions religieuses a bondi de 25%. Ces écoles transférées - qui jusque là étaient financées conjointement par l'État et les municipalités – fonctionnent désormais avec l’argent public des subventions octroyées aux institutions religieuses. Sauf que l'État n'a plus aucun droit de regard sur leur utilisation. Une école paroissiale reçoit aujourd'hui plus d'argent par étudiant qu’une école publique.
Les évangéliques de Pestszentlörinc
Depuis la rentrée de septembre, ce sont les évangéliques qui imposent leurs valeurs aux écoliers de Pestszentlörinc, dans la banlieue de Budapest. Trop endettée, la municipalité a décidée de céder ses écoles primaire et secondaire à l’Église évangélique luthérienne. La nouvelle direction attend de ses élèves comme de ses employés « le respect des valeurs chrétiennes et un mode de vie exemplaire ». Piercings et colorations de cheveux outrancières ne sont plus les bienvenus, précise le règlement intérieur qui indique surtout que « le baptême et l'appartenance religieuse ne sont pas des conditions, mais ce sont des avantages ». Priée par la nouvelle direction d’évaluer son degré de religiosité sur une échelle de 1 à 5, l’enseignante d’anglais Krisztina Agoston a répondu "0", ce qui lui a valu de ne pas être reconduite à son poste à la rentrée de septembre.
Dans les faits, au mépris de la loi qui interdit le recrutement sur des critères religieux, la discrimination existe déjà. Pour preuve, cette jeune enseignante qui s’est vu refuser un emploi proposée par l’école protestante de Szentendre (à 20 km au Nord de Budapest) en raison de sa confession catholique : "Il est important pour nous que le candidat soit protestant, surtout pour des postes clés comme l’enseignement de la littérature et de l’histoire".
Enseignants, parents…et Église
Dans les établissements passés sous administration religieuse, les enseignants ont perdu leur statut de fonctionnaire. Pourtant, la transition s’est déroulée sans conflit, comme en témoigne Laszlo Mendrey, le président du syndicat enseignant PDSZ. Selon lui, beaucoup d’entre eux désapprouvent cette évolution mais la précarité économique a eu facilement raison des réticences idéologiques. Pour son syndicat, la priorité, c’est de sauver les postes menacés par les projets gouvernementaux qui prévoient une baisse des budgets alloués à l’éducation, des suppressions de postes et des fermetures d’école. "C’est le premier gouvernement depuis le changement de système qui ne prend même pas la peine de consulter les organisations syndicales", déplore-t-il, comme le fait que "les syndicats sont faibles et peu de personnes osent se syndiquer par peur de perdre leur travail, surtout depuis un an".
Des protestations se sont élevées ça et là de la part de parents d’élèves, des pétitions en faveur d’« une éducation idéologiquement neutre » ont été adressées au ministre de l’éducation, mais sans résultats. Ágnes Simonné Toldi, porte-parole d’une des principales associations de parents d’élèves regrette qu’au niveau local, "la voix des associations de parents d’élèves n’a pas été prise en compte" au moment des tractations entre l’institution religieuse et la municipalité. Mais pour le reste, chez la majorité des parents d’élèves, le soulagement de voir l’école locale « sauvée » a largement prédominé sur les considérations d’ordre idéologique.
Les nouvelles directions d’école ont assuré qu’elles n’imposeraient pas de programmes religieux indistinctement à tous les élèves au-delà des fêtes religieuses principales et que des cours d’éthique seraient proposés comme alternative aux cours de religion. Les réactions face à ce transfert des écoles publiques varient d’une Eglise et d’un diocèse à l’autre. L’évêché de Szeged-Csanád est par exemple enthousiaste et tente de mettre la main sur le plus grand nombre d’écoles possible, tandis qu’à l’opposé, le synode de l’Eglise calviniste souhaite en reprendre un nombre limité car elle estime que cette situation transitoire n’offre pas toutes les garanties juridiques et financières nécessaires.
Une nouvelle loi sur l’éducation qui entrera en vigueur à la rentrée 2012 est en préparation et pourrait être votée avant la fin de l’année par le parlement hongrois. Son contenu final n’est pas encore connu précisément mais son côté réactionnaire, autoritaire et clérical – la ministre de l’éducation Rozsa Hoffmann appartient au parti chrétien-démocrate KDNP - provoque des tensions au sein même de la majorité de droite. Couplée à une future loi sur la centralisation, cette nouvelle législation pourrait prévoir la reprise en main de toutes les écoles publiques primaires et secondaires par l’Etat, ce qui pourrait mettre un terme à l’expansion des Eglises dans le domaine de l’éducation. Mais parallèlement, une nouvelle étape pourrait être franchie car elle donnerait le droit aux écoles paroissiales d’exiger un engagement idéologique de leur personnel et de leurs élèves ainsi que leur participation à la vie religieuse. "C’est très grave car cela posera un véritable problème de conscience aux professeurs qui veulent conserver leur poste. Cela posera notamment de gros problèmes dans les communes où il n’y a qu’une seule école", commente Laszlo Mendrey qui entrevoit "un retour au système éducatif qui prévalait pendant l’entre-deux guerres".
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8 Réponses »
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Ca va changer de l'école socialiste prévalant jusque-là...
Ce sont vraiment des fous furieux ! Le gouvernement hongrois a perdu la tête. Sans parler des nouvelles procédures de vote au parlement... Le modèle c'est clairement Horthy.
Ca ne me dérange pas que les écoles deviennent religieuse mais je ne comprend pas très bien pourquoi un enseignant catholique ne peut pas enseigner dans un école protestante et inversement. Sur le plan éthique ces confessions ne sont pas vraiment différentes
Très intéressant, cet article. Mais les Eglises ont-elles vraiment de l'argent? Les Hongrois sont beaucoup moins pratiquants que les Polonais...
Cher Christian,
Je n'ai jamais mis les pieds dans une église en Pologne, par contre en Hongrie j'aime me recueillir dans ces lieux de culte toujours décorés et entretenus de façon exemplaire.
A mes amis français du nord je demande de comparer la basilique Notre Dame de Boulogne-sur-Mer et la petite église au pied de la colline de Sumeg.
Là il n'y a pas photo, un monde sépare ces lieux saints et les trésors appartiennent aux églises hongroises.
Zs.
wow...donc bienvenu au MAGYARISTAN......
Je ne connais pas la Hongrie, j'ai la chance de partir à Budapest dans quelques jours et je me documente sur ce très beau pays européen...
Les Hommes sont tous frères et peu importe leur appartenance ethnique ou religieuse : des croyants se comportent parfois comme des barbares, quand des athées ont un trésor dans leur coeur ! Dieu est Universel et se moque de savoir comment et dans quelle langue on s'adresse à Lui, Il voit notre coeur et est le SEUL JUGE de nos actes.
Je suis effarée de la situation dans laquelle les magouilles financières et de pouvoir (politique ou religieux) ont précipité un peuple qui a déjà été privé de ses libertés, et je prie pour que le coeur de tous les Hommes s'ouvre à la Sagesse et à la Conscience, seule chance de salut pour la Terre toute entière !
Que les Hommes de bonne volonté s'unissent pour défendre le droit à la différence que Dieu a voulu, et que nous devons respecter pour Lui rendre hommage.
Que Dieu vous bénisse, qu'Il vous comble de bonheurs et de richesses !
On a beau aimer se recueillir dans les églises, si toutes les écoles deviennent des églises...
Hongrie: quand l'Etat transfère les écoles à l'Eglise
http://bit.ly/T7Slg1
Zs.