Une remise en cause du droit à l’avortement en Hongrie ?
NDLR : article posté le 2 mars 2011
La présentation du projet de Constitution au mois de décembre dernier a suscité une vive inquiétude quant à l’éventualité d’un durcissement de la législation sur l’avortement. Les déclarations contradictoires récentes de la majorité parlementaire n’ont pas levé les doutes quant au contenu du texte final qui devrait voir le jour dès ce mois d'avril.
Le débat sur la nouvelle Constitution s’est cristallisé sur la réaffirmation des valeurs catholiques de la Hongrie et sur la remise en cause du droit à l’avortement. « Depuis sa conception, la vie doit être protégée comme un droit humain fondamental ». Théoriquement, cela peut ouvrir la porte à une restriction du droit à l’avortement et même à son interdiction pure et simple. Mais en réalité, il est hautement improbable que la Hongrie n’emprunte le chemin de l’interdiction et que la nouvelle Constitution n’accouche d’une législation « à la polonaise », car il s’agit d’un droit auquel la majorité de la société n’est pas prête à renoncer, bien que contrairement à la France, il n’a pas été acquis par une lutte sociale mais imposé d’en haut, comme dans l’ensemble des pays d’Europe centrale et de l’Est. "L’interdiction, ils n’oseront pas, mais le gouvernement grignote du terrain", observe Judit Morva, présidente de l’Initiative féministe européenne pour la Hongrie et éditrice du Magyar Diplo (la branche hongroise du Monde Diplomatique). "Pour défendre les droits des femmes il existe quelques groupuscules féministes mais qui collaborent peu entre eux, le féminisme est un sujet très en retrait en Hongrie", explique-t-elle.
En revanche, un durcissement de la législation actuelle est possible. "Ce qui va se passer n’est pas encore clair mais des restrictions sont à envisager. S’il y a de sérieuses restrictions sur l’avortement, cela ne voudra pas dire moins de demande pour des avortements, mais que les femmes devront le faire de manière illégale ou semi-illégale", craint Stefánia Kapronczay, juriste pour l’une des rares ONG de défense des libertés civiles, TASZ. Selon la législation libérale actuelle, une interruption volontaire de grossesse est possible jusqu’à la douzième semaine et jusqu’à la 18ème pour les mineures, après deux rencontres obligatoires avec une assistante sociale.
Le retour du religieux
Cette évolution possible de la Constitution vers la réaffirmation de l’héritage et des valeurs chrétiennes de la société hongroise est portée par le parti chrétien-démocrate KDNP, partenaire de coalition de la Fidesz. Le coup de vernis idéologique qui pourrait être passé sur la nouvelle Constitution est en quelque sorte sa récompense pour son soutien au parti majoritaire de Viktor Orban. Judit Morva insiste sur un retour du rôle de l’Eglise dans la société hongroise : "En Pologne, on a utilisé l’Eglise pour casser les velléités de la société civile. Ce qui s’y passe est une catastrophe pour les femmes. En Hongrie cela ne pourra pas se passer comme cela car il n’y a pas de symbiose entre l’Eglise et l’Etat. Historiquement, l’Eglise n’était pas aux côtés du peuple. De plus il n’existe pas d’église unique étant donné que le pays compte un tiers de Protestants."
L'Église, ancien plus grand propriétaire terrien et qui a tout perdu sous le régime communiste, essaie incontestablement de retrouver une place plus importante dans la société hongroise. Elle y est encouragée par le gouvernement conservateur qui mise sur elle sur des thèmes comme l’éducation, en augmentant l’aide de l’Etat aux écoles catholiques. Dans une société complètement déstructurée par l’accélération de l’histoire ces deux dernières décennies et par les difficultés économiques, l’Eglise constitue un refuge, un des derniers lieux de rassemblement pour des individus de plus en plus isolés. Même si les églises sont encore loin de faire le plein le dimanche matin.
Le « suicide collectif » de la nation hongroise
En deçà de leur motivation idéologique, les pro-avortements s’appuient aussi sur l’argument, fallacieux, du déclin démographique pour justifier la nécessité de restreindre le droit à l’avortement. Pour eux, les quelques 40.000 IVG annuels enregistrés représentent un véritable "suicide collectif". C’est moitié moins qu’au début des années 90 mais, malgré cette très forte diminution, près d’un tiers des conceptions se terminent actuellement par une interruption volontaire de grossesse (31%), contre plus de 4 conceptions sur 10 (41%) en 1995. "Je ne pense pas que le gouvernement envisage l’interdiction de l’IVG. Cela n'aurait d'ailleurs que peu d'effets sur la natalité en Hongrie. Cela aurait au contraire beaucoup d’effets négatifs d’un point de vue social, car ce n’est pas du tout adapté à la société d’aujourd’hui", explique Zsuzsanna Makay. Cette démographe à l’institut hongrois de démographie et à l’INED à Paris estime que le principal facteur capable de redresser la natalité serait de donner aux familles les conditions matérielles de réaliser leur projet, car le désir d’enfants existe fortement en Hongrie, souligne-t-elle, enquêtes sociologiques à l’appui. Cela devrait passer avant tout par une meilleure articulation entre la vie professionnelle et la vie de famille, en développant notamment le travail à temps partiel et en récréant les réseaux de crèches disparues dans les années 90.
Education sexuelle et contraception
Les acteurs sociaux pointent aussi du doigt la cherté des contraceptifs qui ne sont pas assez remboursés. "Pourtant on constate que les IVG sont plus fréquentes dans les régions les plus pauvres du Nord-est de la Hongrie, où les gens n’ont pas accès à l’information, sont moins éduqués et n’ont pas les moyens de se les payer", indique Zsuzsanna Makay. "Il n’y a pas de programme efficace pour permettre l’accès à la contraception pour les plus défavorisés", déplore Stefánia Kapronczay de TASZ. Elle insiste aussi sur le fait que la loi actuelle sur l'avortement stipule qu’il revient à l’Etat d’assurer l’éducation sexuelle, mais dans la réalité il ne remplit pas cette obligation. Les cours d’éducation sexuelle commencent beaucoup trop tardivement alors que l’âge moyen au premier rapport a fortement diminué. La prévention pour l’usage du préservatif est elle aussi très insuffisante. De plus "ils sont non seulement très chers par rapport au niveau de vie local, mais aussi difficiles à trouver. Et encore nous sommes dans la capitale, imaginez dans un petit village de campagne…", conclut Stefánia Kapronczay.
Articles liés :
Le droit à l’IVG menacé par la future Constitution
Constitution : "Retour en force de l'ordre moral"
La Hongrie voudrait concurrencer la dévotion polonaise !
Religion : Orbán en rajoute une couche au Vatican
Le gouvernement veut promouvoir le mariage
Consultation pour la nouvelle Constitution : une « prime citoyenne » aux familles nombreuses ?
Des taxes partout, sauf sur les familles nombreuses
Constitution (1/2): la Fidesz est prête à lâcher du lest
Constitution (2/2): pendant ce temps dans l’opposition…
La laïcité dans les écoles hongroises remise en question
5 Réponses »
Laisser une réponse
l' Eglise ne veut que le bonheur de l'Humanité!!! demandez le aux femmes qui ont avorté si elles sont fières et heureuses de ce qu'elles ont fait.... qu'elles qu'en soient les circonstances, l'avortement est un véritable drame personnel. Suite à l'IVG, à courte ou à longue échéance, la femme se rends compte de ce qui est arrivé dans son propre corps. et là, qui est présent pour les aider, les comprendre, les soutenir, les consoler, les pardonner de ce drame: Dieu seul.si l'Eglise interdit l'IVG, c'est qu'il y a des raisons. à bon entendeur qui sait aussi ouvrir son cœur et ses yeux!!!!!!
Aham,
Sauf que la réalité est toute autre. Si cette méthode n'est plus contrôlée, elle sera de toute manière usitée officieusement.
Dès lors, ce sera la vie de ces femmes, ainsi que le portefeuille de ces dernières ou de leurs familles qui risque d'être mis en danger...
L'idéologie de l'Église est bien belle certes, mais elle ne reste qu'une idéologie parmi tant d'autres, omettant la réalité concrète des personnes qui vivent ce type de difficultés.
Oui, et comme le dit Isabelle, avec une telle loi, il n'y a plus qu'à s'en remettre à Dieu.
Le problème, c'est que dans cette circonstance aussi, aucune femme ne l'a jamais vu.
Les hongrois ne font pas assez d'enfants, la loi va y pallier, et tant pis pour ce que l'on aura... on aura fait du chiffre !!! Merci Dieu, avec toi, on trouve toujours une bonne combine pour écraser l'être humain.
Il me semble que l'eglise et la religion n'ont rien á voir lá-dedans...d'ailleurs comme le dit C.Leotard dans son article ''le parti chrétien-démocrate KDNP..., partenaire de coalition de la Fidesz. Le coup de vernis idéologique qui pourrait être passé sur la nouvelle Constitution est en quelque sorte sa récompense pour son soutien au parti majoritaire de Viktor Orban"....
encore une fois c'est la petite politique politicienne qui l'emporte....dans ce cas, ui, il n'y a plus qu'à s'en remettre à Dieu...
De toute façon il était déjà très compliqué en Hongrie d'avoir recours a l'avortement, les démarches administratives étant très longues (afin de dépasser la limite légale?), bon nombres de femmes préfèrent aller se faire avorter en Slovaquie dans des cliniques privées. Cela ne changera finalement pas grand chose...