Réformes de l’enseignement : les sections bilingues en perdent leur latin

Depuis les années 90, douze lycées ont donné naissance à une section bilingue francophone en Hongrie, et dix sont encore en activité aujourd’hui. Ces cursus, construits autour d’une année « zéro », permettent à tout élève, même n’ayant pas appris le français avant son entrée au lycée, d’accéder à ces sections d’excellence. Mais ces filières onéreuses souffrent aujourd’hui largement des réformes, rumeurs de réformes et incertitudes, relatives à l’enseignement en Hongrie. Un séminaire européen sur l’enseignement bilingue se tient ce lundi et demain à l’Institut français.

Le lycée Fay András de Miskolc

L’enseignement bilingue consiste à dispenser un enseignement aux élèves en deux langues. Il ne s’agit alors pas uniquement d’enseigner une langue étrangère, mais de proposer une partie des cours dans cette langue étrangère. En Hongrie, on trouve notamment des sections bilingues en français, anglais, espagnol, chinois, et allemand.

A l’issue de leur cursus (de 14 à 18 ans), les élèves présentent le baccalauréat hongrois, et valident le baccalauréat bilingue (niveau C1 du CECR ) en présentant un examen de langue et deux matières dans la langue cible (la langue à apprendre), le reste dans la langue maternelle. Les matières enseignées sont donc le français général, soit des disciplines non linguistiques (DNL), c’est-à-dire toute matière autre que la langue elle-même, enseignée en français.

Dans les sections bilingues francophones, les résultats sont excellents, avec l’écrasante majorité des élèves obtenant le niveau C1 (c’est à dire une note 5 à l’épreuve de langue du baccalauréat de niveau élevé). Les lycées bilingues forment le gros des effectifs des lauréat de concours, OKTV  en tête, et fournissent chaque année une grande partie des admis à Sciences Po, campus de Dijon, et des recrues d’autres universités françaises.

L’histoire hongroise ne peut plus être enseignée en français

La situation des sections est mise à mal par les réformes de ces dernières années. A ce jour, 9 sections bilingues francophones  en Hongrie recrutent encore des élèves. Durant l’année scolaire 2012-2013, le chemin des sections bilingues a été semé d’embûches, et certaines ont particulièrement souffert des réformes et des incertitudes qui ont plané autour des règles applicables à ces cursus spéciaux.

A l’automne, une loi a exclu les mathématiques et l’histoire des matières dont l’enseignement est autorisé en langue cible [1]. Or, il est obligatoire de passer deux matières en langue cible en plus de la langue étrangère pour obtenir un baccalauréat bilingue, et cette réforme posait deux types de problème : du côté des enseignants, la quasi absence de professeurs formés en français à l’enseignement des disciplines non linguistiques autres que les mathématiques et l’histoire (chimie, informatique, géographie…) alors qu’il est obligatoire pour les enseignants d’être diplômés à la fois en tant que professeur de langue et dans la matière enseignée ; du côté des élèves, la nécessité de passer un très grand nombre de matières au baccalauréat pour valider à la fois le nombre de disciplines requises pour le bac français, et les disciplines nécessaires à l’admission dans l’université de leur choix.

Ainsi, un lycéen de section bilingue souhaitant intégrer une faculté de biologie devra présenter au baccalauréat les disciplines obligatoires en Hongrie (histoire, mathématiques, langue étrangère), les disciplines scientifiques requises pour l’admission dans cette université (biologie, chimie…) mais également trois matières en français (civilisation, informatique, français…). De quoi dissuader plus d’un futur étudiant.

Une levée de bouclier cet hiver a réussi à sauver les mathématiques et l’histoire universelle, qui sont redevenues, au mois de janvier, éligibles parmi les matières à passer en français. L’histoire hongroise, elle, est désormais à nouveau enseignée en hongrois, comme c’était le cas avant 2008.

Conséquence : des filières en perte d’attractivité

Une autre loi menace aujourd’hui les sections bilingues : 90% des élèves admis en première année (9ème) doivent terminer leur cursus bilingue dans la section dans laquelle ils se sont inscrits, le pourcentage étant  mesuré sur la moyenne de trois années. Cet objectif, qui vise prétendument l’excellence des élèves bilingues, est particulièrement difficile à obtenir, et ce non pas à cause des échecs, qui restent très faibles, mais surtout à cause de simples déménagements ou de réorientations. La menace de fermeture des sections bilingues qui n’atteindraient pas ce taux de réussite est donc particulièrement lourde.

Les lycées bilingues souffrent également des difficultés à recruter des enseignants natifs, gages de qualité. La présence de lecteurs en volontariat international, de lecteurs belges employés par Wallonie Bruxelles International et de Jeunes Diplômés de la Fondation franco-hongroise pour la Jeunesse permet de maintenir la présence de natifs dans les établissements, mais les effectifs se réduisent chaque année.

Enfin, avec l’apparition de nouvelles matières mises en avant par le gouvernement (éthique, gym…), et le besoin de dégager des plages horaires pour ces cours, certaines DNL sont menacées.

Tous ces projets ont aujourd’hui de lourdes répercussions sur les inscriptions en première année pour la rentrée 2013 et affaiblissent l’attractivité des filières bilingues. Avec moins de candidats à l’entrée, les sections procèderont à une sélection moins rigoureuse qui pourrait, à terme, faire baisser sensiblement le niveau des étudiants.

Un séminaire européen sur l’enseignement bilingue, organisé à l’initiative de l’Institut français, en coopération avec le British Council, le Goethe Institut, l’Institut culturel italien, l’Ambassade d’Espagne et le lycée Szent László de Budapest, se tiendra à l’Institut français les 8 et 9 juillet. Ce sera l’occasion d’aborder ces questions et de mener une réflexion européenne sur les problématiques relatives à l’enseignement bilingue aujourd’hui.

[1] La secrétaire d’Etat à l’éducation Rózsa Hoffman estimant qu’enseigner l’histoire dans une langue étrangère est de nature à diminuer le sentiment patriotique des lycéens.

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5 Commentaire

  1. Votre article ressemble plus à un communiqué officiel ou à un texte de propagande qu’à une analyse de la situation des sections bilingues en Hongrie… Avez-vous vraiment observé qu’une « écrasante majorité des élèves » avait le niveau C1 en français à l’issue d’un lycée bilingue ? Pour avoir enseigné à ces jeunes à leur entrée à l’université, permettez-moi d’avoir des doutes… Quant à la « grande partie des admis à Sciences Po, campus de Dijon », cela représente un ou deux étudiants par an n’est-ce pas ?
    Critiquer les réformes gouvernementales ne vous oblige pas à encenser le système existant. Un peu de recul et d’observation de terrain ne seraient pas de trop.

  2. En tant qu’ancienne prof de FLE reconvertie et ancienne de la fondation franco hongroise je rejoins l’opinion ci-dessus.

  3. Les abréviations me vraiment rendent fou.

  4. ‘Rigolo’ ou non, ce n’est pas le latin qui n’est plus parlé qui devrait nous inquiéter, mais bien le tort à l’Europe.

    Justement, et donc que dit l’Europe de Bruxelles… ?

    Si ma mémoire est bonne, l’année de 1962 à 1968 les ‘lois linguistiques’ à l’encontre des Francophones étaient tout autant virulentes par l’élite néerlandophone.

    Un jour on reverra que l’Université bilingue hungaro-roumaine est terminée, en Roumanie, et on en reviendra à la connerie du communautarisme des cons.

    Le nord qu’on a perdu, ce qui explique probablement les bonnes performances de ces contrées les plus évoluées d’EUROPE, non?

    Le cap c’est en Afrique du Sud, et pourtant Nelson Mandela devrait donner quelques leçons pour démocratiser l’Etat hongrois et sa démocrature irresponsable !

    Pff, on n’est pas sorti de l’auberge… Espagnole ou ce que vous voulez… Latin, ou pas, faudra-t-il la teindre?

  5. Alexandra BONNEAU a dit :

    Je connais actuellement 5 anciens élèves de lycées bilingues hongrois.
    Trois d’entre eux sont venus en France et ont une carrière admirable ou sont dans des études (de sciences notamment, puisque qu’ils ont étudié la chimie, physique, biologie en français) et les réussissent brillamment.

    Concernant leur niveau, même ceux qui sont resté en Hongrie, n’ont pas spécialement pratiqué le français depuis leur sortie du « gymnázium » (5-6 ans) ont un niveau correct en Français, qui je pense devait être bien meilleur à leur sortie.
    Ceux qui sont ici parlent et écrivent un français courant.

    Je ne suis pas prof mais les observations de terrain, je les ai.
    J’imagine que les professeurs qui viennent ici ne sont pas les plus satisfaits.
    En France, ce sont toujours les mécontents qui parlent.

    Les filières bilingues sont un espoir d’ouverture et de réussite pour les hongrois et la Hongrie.

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