NDLR : journée très tendue hier jeudi, les vendeurs du « marché chinois » de Budapest ayant défié les agents de sécurité venus appliquer un ordre d’éviction émanant de la mairie du 8ème arrondissement. Ferme sur son intention de fermer définitivement ce célèbre marché de la capitale hongroise, le maire de l’arrondissement Maté Kocsis a déclaré que cette vaine opposition ne pourra faire que retarder la fermeture planifiée du Chinatown hongrois.
Ci-dessous, un article de Ludovic Lepeltier-Kutasi, publié le 19 novembre 2013 sur le site www.budacasa.hypotheses.org, sous le titre « Le marché de Józsefváros ferme ce jeudi« .
En juin dernier, la société fiduciaire chargée de gérer les biens de l’État hongrois (Magyar Nemzeti Vagyonkezelo) a demandé à la société nationale de chemins de fer (MÁV) de mettre un terme au bail accordé à Komondor Kft., le gestionnaire du marché de Józsefváros. Situé le long de l’emprise ferroviaire des gares de Józsefváros et Keleti, ce marché surnommé Négy tigris (“Quatre tigres”), est connu à la fois pour être le plus grand marché sino-vietnamien de Budapest ainsi que le théâtre de nombreux règlement de compte liés aux vicissitudes de son économie informelle. Les multiples descentes de police qui y ont eu régulièrement lieu ont été abondamment médiatisées ces dernières années. Elles ont certainement contribué à ternir encore un peu la réputation du huitième arrondissement, déjà célèbre dans le pays pour les nombreux faits divers liés aux trafics de stupéfiants.
Après 150 jours de délai légal, la résiliation du bail prend effet ce jeudi. Elle vient couronner de succès l’intense travail de lobbying mené par Máté Kocsis, le jeune et ambitieux maire (Fidesz) du secteur. Connu nationalement pour sa loi sur la lutte contre les SDF dans l’espace public, il a fait du huitième arrondissement son laboratoire politique. A coup de rénovation urbaine et d’importants dispositifs sécuritaires (vidéosurveillance, police de voisinage), il cherche depuis son élection à transformer radicalement ces quartiers et à y attirer une population plus aisée. La fermeture du marché s’intègre sans doute dans cet objectif de faire “place nette”.
Si l’érection d’une sorte de Chinatown de luxe avait été imaginée un moment sur l’emprise du marché, la municipalité semble désormais privilégier l’installation d’équipements sportifs à destination des habitants de l’arrondissement. Déjà engagée dans de coûteuses opérations de renouvellement urbain (volet III du programme Magdolna et rénovation de Teleki tér à quelques centaines de mètres, création d’une grande école d’administration dans le secteur d’Orczy-kert), il est très probable que la collectivité limite ses investissements dans un premier temps. Plutôt bien situés et irrigués par de nombreux transports en communs, ces terrains pourront sans doute voir leur fonction évoluer dans un second temps, pourquoi pas avec l’aide de l’État et des fonds européens. Le reclassement proposé aux marchands à l’intérieur de l’arrondissement va d’ores-et-déjà certainement contribuer à transformer en profondeur l’offre commerciale dans les quartiers plus proches du centre-ville. L’idée étant de ne pas voir s’échapper les 15 milliards de forint de recettes fiscales générés chaque année par l’ancien marché et ne pas trop se mettre à dos les communautés asiatiques très présentes dans le secteur.
Si ça n’est pas la première fois que les pouvoirs publics cherchent à fermer le marché de Józsefváros, cette énième tentative semble être la bonne. Ce jeudi, c’est une page de vingt années d’histoire mouvementée qui va ainsi se tourner à Budapest.
Edit du 21 novembre 2013 : Selon de toute vraisemblance, Komondor Kft. a fait valoir que le délai légal n’était pas achevé ; ce qui repousse à quelques semaines la fermeture définitive. A suivre.
Par Ludovic Lepeltier-Kutasi
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