La fin annoncée du grand marché chinois de Budapest

Article publié le 4 juillet 2013.

Le marché de Józsefváros, plus connu sous le nom de « marché chinois », est le plus gros marché de plein air de Budapest. C’est aussi en Europe le marché regroupant la plus forte population issue de Chine. Une simple promenade dans ce vaste China town suffit à dépayser. On y trouve de tout, même du rare, même de l’introuvable, à profusion. En 20 années d’existence, le grand marché chinois de Budapest a acquis une solide réputation de cour des miracles où tout se monnaye, du parfum de contrebande aux fripes bon marché importées de Turquie, en passant – c’est ce qui se raconte – par des documents administratifs en tout genre (baccalauréat, permis de conduire, carte d’identité, factures…). Un marché à propos duquel il est difficile de démêler le vrai de la légende, tant ce qu’on en raconte semble fait pour correspondre aux fantasmes européens sur la Chine et la mafia chinoise.

Une lourde menace pèse sur ce lieu emblématique. Les pressions se sont multipliées pour précipiter sa fermeture, régulièrement réclamée par les autorités politiques de Budapest. Un pas décisif vient être franchi, avec la prise de position sans équivoque du maire de  Józsefváros (le 8ème arrondissement), le jeune Fidesz de 32 ans Máté Kocsis. Ce dernier a promis de fermer ce marché, considéré comme un haut lieu de la contrebande et de la contrefaçon, devenu – s’il ne l’avait pas toujours été – complètement ingérable par le pouvoir politique de la capitale.

Nous vous proposons la traduction d’un article du site d’information www.origo.hu sur ce sujet.

La fermeture de « la mine d’or » au cœur de Budapest

Par Anita Vorák, publié le 20 juin 2013 sous le titre Bezárják az aranybányát Budapest szívében.

photo: www.elelmiszer.hu

Il est probable que dans quelques mois, le célèbre marché de Józsefváros [le marché chinois] disparaisse. La Société Nationale de Gestion des Actifs et le huitième arrondissement de Budapest ont fini par agir. Cela fait de longues années que l’on veut fermer ce marché à la réputation sulfureuse, ouvert en 1993 : sans le moindre succès jusqu’ici.

Selon certains rumeurs, quand le maire de Józsefváros, Máté Kocsis a présenté son idée de vouloir fermer le marché à Józsefváros, il a reçu le message suivant de la part d’un membre du gouvernement : « vous êtes un homme plein de courage ». Ladite idée, présentée publiquement dimanche dernier, n’arrive pas par hasard : le marché est le quartier général du crime, le carrefour du marché noir. L’idée de Kocsis a été accueillie à bras ouverts ; la Société Nationale de Gestion des Actifs a sans tarder ordonné au propriétaire du terrain, la MÁV [société des chemins de fer hongrois], de résilier le contrat de location du marché. La résiliation est en train d’être rédigée : les marchands auront 150 jours pour partir avec armes et bagages.

Máté Kocsis a promis de garantir les places des marchands qui respectent la loi. Il est en train de créer un système grâce auquel ces marchands auront accès plus facilement aux locaux commerciaux et ainsi pourront continuer à vendre leurs produits dans des circonstances contrôlées, en maintenant les prix relativement bas. Peut-être pour récompenser ceux qui vennaient des quatre coins du pays pour acheter des produits – de qualité douteuse – à bon marché.

Depuis le changement de régime [fin du communisme], ce terrain à Józsefváros de 260 mille mètres carrés appartient à l’Etat, qui en a confié la gestion à la MÁV. Selon les témoignages, c’est vers 1993 que les premiers marchands d’Extrême-Orient sont arrivés. L’objectif principal du marché de Józsefváros à cette époque différait beaucoup de celui d’aujourd’hui : en 1993, on conseillait aux retraités, handicapés et personnes âgées de s’y rendre pour acheter « en premier lieu des produits du quotidiens à petit prix».

[…]

Jusqu’ici il n’y a qu’une seule personne qui a parlé publiquement du fonctionnement intérieur du marché : c’est Péter Tasnádi [Socialiste, ancien maire de Pécs]. Il pense en avoir été écarté en 1999 à cause des luttes de pouvoir qui y faisaient rage.

Ce qui est certain, c’est que pendant quelques temps, Tanàsdi était pour ainsi dire chez lui au marché de Jozsefvàros. A partir de la moitié des années 1990, c’étaient ses employés qui surveillaient le marché, percevaient les loyers des marchands, et protègaient le propriétaire.  Dans son livre-reportage 983 jours dans la prison du Fidesz, Tanàsdi dit que contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’a pas obtenu cette charge grâce au chantage. C’est Szetlik serait venu le voir et qui lui aurait proposé de veiller à la sécurité du marché, en l’échange de 25% des parts de son entreprise.

« Je me rappelle quand il était assis en face de moi et il m’a dit d’un air fatigué, mais quand-même sérieux : tu peux gagner 20-25 millions (entre 70 000 et 85 000 euro, ndlr) par mois. J’ai rigolé, je n’ai pas pris au sérieux ce qu’il a dit. J’ai répondu tout de suite que je n’investirais pas un sou dans cette affaire. – Il ne faut pas – répondit-il en hochant la tête. – La seule chose qui m’intéresse est que tout soit bien contrôlé et surveillé au marché et autour de moi. – Au début je n’ai pas compris l’importance de ce dernier, mais la situation s’est clarifiée. Contrairement à moi, d’autres étaient conscients que le marché à Józsefváros était une affaire en or. Certains voulaient, par exemple, forcer Ferenc Szetlik [1] à partager cette source fortement lucrative. » – peut-on lire dans le livre de Tasnádi.

[…]

Selon Máté Kocsis la fermeture touchera 500 marchands. Au temps de sa splendeur, d’après certaines estimations, on a vendu des produits d’origine et de qualité douteuses dans plusieurs milliers de kiosques sur ce terrain immense ; la moitié de l’Europe a été approvisionnée de produits d’Extrême-Orient à travers de ce marché.

[…]

Le total du chiffre d’affaires de Komondor Kft. (l’entreprise louant ce terrain) s’élève à 2 milliards de forints [un peu moins de 7 millions d’euros] ; il est quand-même vrai que cette somme n’est pas forcément issue uniquement des loyers perçus. Il y a deux ans, la MÁV a précisé au site d’information index.hu qu’elle louait le terrain à Komondor pour environ 30 millions de forints par mois [100 000 euros]. Nous avons demandé des données chiffrées récentes, la MÁV n’a pas encore répondu. En comparaison, si l’on compte que l’entreprise Komondor loue 500 stands individuels ne serais-ce qu’aux tarif pratiqué en l’an 2000 (qui a sûrement augmenté depuis), les revenus de l’entreprise doivent être d’au moins 75 millions de forints [250 000 €].

Les gérants du marché ont toujours tenté, avec succès, de pointer la responsabilité des commerçants dans les affaires frauduleuses. De fait, les recherches des autorités ont toujours confirmé ces soupçons. En février 2009 a eu lieu l’une des descentes les plus importantes, menée conjointement par le NFH (Service national de protection des consommateurs) la police des douanes, et les inspecteurs de la santé publique. 212 stands ont été contrôlés, et 94% d’entre eux était hors-la-loi. 30 millions de forint d’amende ont été récoltés [100 000] euros.

En fait, chaque contrôle ramène son butin de plusieurs tonnes de produits de contrefaçon ou dangereux, ou en état de fraude fiscale. [...]

On a du mal à comprendre pourquoi les autorités n’ont pas trouvé le moyen dans les 20 dernières années de mettre fin à ces irrégularités flagrantes. Máté Kocsis n’est pas le premier à vouloir prendre les choses à bras-le-corps et fermer le marché : en 10 ans on a annoncé sa fin plus d’une fois. La MAV a déclaré qu’en 2003, elle avait déjà interrompu le contrat de location, avant de le reconduire en 2004, en annonçant que les prix de location avaient été multipliés par deux. Ainsi, le fonctionnement du marché était censé servir les intérêts de la compagnie ferroviaire. Par la suite, le contrat a été reconduit deux fois, jusqu’à la signature d’un bail à durée indéterminée en 2007.

Les autorités n’ont pas réagi face aux irrégularités. […] Selon Máté Kocsis les anciens politiciens du quartier sont également responsables ; ils ont contribué à la persistance du marché à Józsefváros. « Je suis conscient que la fermeture du marché va contre certains intérêts financiers. Ils auront beau m’attaquer, la fermeture aboutira. C’est dans l’intérêt de Józsefváros. » – a-t-il ajouté d’un air provoquant.

[1] Le fondateur du marché, Ferenc Szetlik est mort dans la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix. Sa veuve, Marianne Pàpai, a été désignée comme héritière. C’est elle qui gère l’entreprise et le marché de Józsefváros jusqu’à nos jours.

Traduction : Ádám Fáczán pour hu-lala.org

9 Commentaire

  1. Très bonne idée, le VIIIème arrondissement devrait redorer son blason.

  2. catherine feidt a dit :

    A mon avis il y a une grosse erreur dans votre article: le Tasnádi Péter dont vous parlez n’est pas l’ancien maire socialiste de Pécs, mais un homme d’affaire budapestois qui effectivement a été poursuivi en justice, condamné, emprisonné. Rien à voir avec l’ancien maire de Pécs décédé en 2009.

  3. Roland Pierret a dit :

    Cet été, on m’a volé mon blouson, avec tout ce qu’il contenait, dans les vestiaires du lac thermal de Héviz.
    7 casiers ont été fracturés avec un pied de biche, dont le mien.
    Mon blouson contenait 700 euros, passeport, carte d’identité, carte bancaire, permis de conduire, carte grise, téléphone, clé de voiture, qui doivent pouvoir être monnayé sur ce marché.
    Les autres papiers, carte vitale, carte de retrait CCP, chèques etc… ne pourront sans doute qu’être jetés.
    …je ne pense pas, un jour, retourner en Hongrie. J’ai eu ma dose.
    En effet, commettre un tel délit, dans un endroit où cela circule sans arrêt. Les curistes arrivent et repartent constamment, c’est très fort. Bravo, l’artiste !!!
    Le même jour, un estivant anglais, qui venait d’arriver, a été assommé en sortant du bar du village de Nemesbük. C’est une femme qui l’a trouvé dans le fossé du bord de la route et qui a appellé la police. Il a passé plusieurs heures à l’hôpital, et la police l’a ramené au camping à 2 heures du matin.
    La semaine suivante, il devait y avoir une « fiesta » au camping. Elle n’a pas eu lieu. L’organisateur n’a pas retrouvé sa voiture devant chez lui, le matin même.
    L’année dernière, c’est un couple hollandais qui a eu sa caravane cambriolée. On y a volé 1000 euros, un téléphone, un appareil photo, un ordinateur.
    Au printemps, c’est la propriétaire du camping qui a vu son sac à main disparaître sur le parking de TESCO de Kestely.
    Le marché « chinois » s’approvisionne-t-il ainsi ?

  4. Excuse-moi, mais qui se promène aux bains avec 700 euros en liquide sur lui ?

  5. Roland Pierret a dit :

    Excuse moi aussi, mais je vis comme je veux.
    Laisser l’argent dans la voiture, ce n’est pas une option valable. Le laisser dans la tente, c’est risqué aussi. Il n’y a que sur moi…ou dans un casier du lac thermal, qu’il est le mieux protégé.
    La carte bancaire n’est pas une solution, puisqu’on me l’a volé aussi.
    Par ailleurs, quand on voit la quantité de bureaux de change à Héviz, je ne suis pas le seul touriste à avoir du liquide sur moi. Certains l’ont compris. Ca recommencera.
    Mais, il est vrai que quand on campe, il vaut mieux s’abstenir de sortir le soir…ou d’aller dans une station thermale. Et si on ne peut aller nulle part…autant rester en France…

  6. Les vols, ça arrive partout. Et d’autant plus quand la misère est grande…
    Si on devait compter énumérer tous les vols commis sur les plages françaises, les stations de ski, on n’irait plus en France non plus. Et en Italie, mon pauv’ monsieur.. Et puis en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Belgique….
    La Chine est peut-être la solution… :D

  7. Roland Pierret a dit :

    Je suis bien d’accord. C’est pour cela qu’il serait temps que les autorités prennent des mesures, pour faire reculer la délinquance, notamment celles dont les touristes sont les victimes.
    Il ne faut pas que cette prétendue « petite délinquance », continue de progresser, année après année.
    Il ne faut pas que dans les esprits, la délinquance s’installe comme une fatalité immuable.
    Elle n’a rien à voir avec les Droits de l’Homme, mais finira par nous faire perdre les Droits de l’Homme.

  8. Décidément, tout le monde dans le bain…

    On se scandalise souvent hu la la…

    Moi je dis comme Jessy Matador – Allez, Ola, Ole (France)
    http://www.youtube.com/watch?v=4acm3gcWhAE

    Ce n’est pourtant pas chinois…

    Hongrois, mais voit-on?

    :) LOL

  9. Il y a des termes qui feraient mal…

    Alors on les Heviz, LOL :)

    Ne jetons pas l’eau du bain avec le bébé.

    Chacun à ses propos de tourista MDR :)

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