En Hongrie, on n’est pas Charlie

Ce qui suit est la traduction d’un article publié sur le site 444.hu sous le même titre (en français).

La semaine prochaine, je vais créer un hebdomadaire satirique. Une revue sans concessions qui ne connaît ni homme, ni Dieu. Un quotidien comme Charlie Hebdo. Ma revue s’appellera Heti Jocó (1)  et cela m’amusera de lui donner ce nom en référence au premier ministre József Antall décédé des suites d’une longue maladie, comme à l’époque Charlie Hedbo le fit.

Sur la Une du premier numéro, il y aura le Pape brandissant une capote et il y aura écrit dessous : „Ceci est mon corps”. A l’intérieur, on y verra une caricature pleine page montrant Jésus Christ en plein rapport sexuel anal avec le Créateur tandis que le Sauveur sera en train de sodomiser un triangle représentant la Trinité. Le titre en sera : „Péter Erdő (2) a trois pères”.

Combien de parutions atteindrait Heti Jocó ?

Un. Peut être. La Pannonie (3) n’est pas la France, elle n’est pas la patrie reposant sur les libres traditions  anticléricales et satiriques de Voltaire (Écrasez l’infâme) (4). La Pannonie n’est pas la patrie des Charlie-s. Ici, on n’est pas Charlie. (5)

Les raisons de l’indignation concernant l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo est due au fait que des hommes ont été exécutés à cause de leurs opinions et il est à craindre que cela signifie la fin de la liberté d’expression. Ce qui est l’une des garanties essentielles du bon fonctionnement de la démocratie. Même si le contenu est choquant à notre égard ou souvent indigne voire répugnant.

En principe, c’est beau. Seulement voilà, aujourd’hui en Hongrie, la liberté d’expression ne dure que jusqu’au moment ou quelqu’un se précipite sur un couteau. Alors on entend chialer les victimes, c’est la course au tribunal, les procès, la remise sur le droit chemin, les dommages et intérêts, on redore le blason, on vire les gens, on juge, on punit, on met à l’amende, on blâme, on censure, on sort les casiers judiciaires. Le code civil hongrois peut condamner quelqu’un à cause d’une mauvaise blague.

Et c’est pour cela que c’est même pas la peine de démarrer un Heti Jocó.

Car il suffit en Hongrie qu’un artiste dessine une casquette de base-ball sur la tête de Lajos Kossuth (6) pour que les magasins qui vendent ce T-shirt soient menacés et que des mecs en rangers viennent piétiner le pavé devant ces magasins qui finiraient par ôter ces polos de leurs étalages.

Si quelqu’un dessinait la Couronne hongroise sur la tête de Darth Vador, alors le ministère de l’intérieur hongrois déclarerait qu’en vertu du code criminel, paragraphe 334, la police, outre une surveillance accrue et en raison de forte présomption de délit de violation de symbole national, continue la procédure dans cette affaire.

En Hongrie, par excès de zèle, en bafouant la liberté d’expression, les propriétaires de médias et les journalistes seraient menacés ou licenciés pour une mauvaise blague et en Hongrie, on peut faire condamner quelqu’un s’il écrit qu’un maire est moche ou si on écrit que tel ou tel vin, c’est de la merde.

Dans une démocratie, en face d’une opinion blessante ou insultante, comme celles parues dans Charlie Hebdo ou qui pourraient paraître dans Heti Jocó, tout le monde a le droit de formuler des arguments contraires. C’est ce qui s’appelle la liberté d’expression.

Mais on ne devrait pas chier dans son froc à cause de manifestants en rangers. Il ne faudrait pas envoyer quiconque devant un tribunal pour ses opinions. Il ne faudrait pas entamer des procédures policières contre d’innocentes caricatures. Il ne faudrait pas écrire des conneries dans la Constitution. Il ne faudrait pas condamner des journalistes sur la base de lois moyenâgeuses.

Et bien sûr, il faudrait  encore moins exécuter une personne d’une balle de kalachnikov dans la tête. Mais pour qu’ici, nous  puissions fièrement dire : „Je suis Charlie” (7) il faudrait encore énormément de choses.

Traduction pour HU-lala  : Claire HUNYADI (merci à elle !)

(1) Heti Jocó: le Jef hebdo (Jocó étant le diminutif de József)
(2) Cardinal et primat de Hongrie
(3) Nom romain de ce qui deviendra la Hongrie après 890.
(4) En français dans le texte
(5) En français dans le texte
(6) Héros de la révolution de 1848
(7) En français dans le texte

8 Commentaire

  1. Merci à toi Corentin de me l’avoir demandé. n’hésite jamais, je suis tjs à vos côtés. D’ailleurs je sais d’ores et déjà que cet article ne va pas plaire à tout le monde, mais vive la polémique, le débat, les arguments et leurs contraires. jesuischarlie.CH

  2. Charlie c’est le rire , l’art du dessin et de la satire ( avec un i , SVP , car avec un y , ça veut dire tout autre chose )

  3. oui oui corrigeons vite satyre en satire quoi que, vu d’un point de vue charlie -esque cette faute de frappe est presque drôle… :CH

  4. Köszönöm Szépen

  5. En Hongrie , il y a une chaîne de télévision où c’est l’opposition qui parle. Alors, je vous prie n’exagérez pas.

  6. @ Suzanne : UNE chaine, vous dites… hum… ça en dit long…

  7. hulala ou le fantasme du resistant en pantoufles.Vous n avez certainement jamais entendu siffler des balles a vos oreilles ou vivre dans une vraie dictature…

  8. Futrinka utca a dit :

    « Car il suffit en Hongrie qu’un artiste dessine une casquette de base-ball sur la tête de Lajos Kossuth pour que les magasins qui vendent ce T-shirt soient menacés et que des mecs en rangers viennent piétiner le pavé devant ces magasins qui finiraient par ôter ces polos de leurs étalages. »

    Est-ce qu’il arrive parfois aux pleureuses de comptoir de voir comment les choses se passent communément dans l’UE, mais ailleurs que dans cette horrible dictature hongroise ? Là, ce n’est pas « devant » les magasins ni les « pavés » que les milices en uniforme piétinent…

    https://www.youtube.com/watch?v=ZpUYGnz3nVo

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